5 Clés Psychanalytiques pour Comprendre l'inversion des victimes et des bourreaux Post-7 Octobre

25/12/2025

5 Clés Psychanalytiques pour Comprendre l'inversion des victimes et des bourreaux Post-7 Octobre

Le texte propose, dans une perspective psychanalytique, une lecture du 7 octobre 2023 et de ce qu’il nomme la « psychopathologie de l’antisionisme ». L’événement est décrit comme une rupture visant non seulement à tuer, mais à déshumaniser et à détruire l’inscription symbolique des victimes (filiation, traces, histoire), avec un traumatisme durable, réactivant la mémoire post-Shoah.

Il soutient qu’après une brève sidération, une inversion narrative s’installe en Occident : Israël redevient rapidement l’agresseur, parfois même quand les faits sont discutés, comme si la culpabilité se transformait en responsabilité automatique. Cette bascule est interprétée comme un déplacement de honte et de culpabilité européennes liées à la Shoah, plus supportable lorsque le Juif est victime que lorsqu’il est souverain et puissant.

Le texte affirme une continuité antisionisme/antisémitisme : l’antisionisme servirait de forme socialement acceptable de judéophobie, en remplaçant « Juif » par « sioniste/Israël », et en focalisant de manière obsessionnelle sur Israël. Il décrit aussi un mécanisme de substitution victimaire (idéalisation du Palestinien, diabolisation d’Israël) et insiste sur une logique jugée éradicatrice de l’antisémitisme.

Enfin, il met l’accent sur l’effacement des traces (négationnisme) comme objectif symbolique, et sur les conséquences identitaires : effondrement du sentiment de sécurité, mais possibilité d’une refondation collective face au choc.

Introduction : Au-delà du Bruit et de la Fureur

Pour toute une génération de Juifs, l'existence s'est construite entre deux phrases fantomatiques. La première, un slogan conjuratoire : « Plus jamais ça ». La seconde, une angoisse latente, un murmure transgénérationnel : « Et si ça revient ? ». Le 7 octobre 2023, le « ça » est revenu. La sidération a pétrifié la pensée, laissant place à une déréalisation face à l'horreur. Puis, très vite, le bruit et la fureur ont tout recouvert, mêlant les condamnations aux justifications, la compassion à l'accusation dans un fracas qui rendait l'analyse inaudible.

Pour déchiffrer ce qui se joue sous la surface de ce chaos, le psychanalyste Michel Gad Wolkowicz propose une grille de lecture qui plonge dans les structures psychiques et historiques des passions collectives. Il ne s'agit pas de commenter l'actualité, mais de sonder les dynamiques invisibles qui la meuvent. Cet article explore cinq de ses analyses les plus percutantes pour éclairer la haine qui s'est déchaînée et comprendre pourquoi, cette fois, les masques sont tombés avec une si effroyable rapidité.

 

1. Plus qu'un Massacre : Une "Rupture Anthropologique"

Les termes de « pogrom » ou même de « Shoah » ne suffisent pas à saisir la nature de l'événement. Un pogrom, explique Wolkowicz, est un déchaînement pulsionnel, non programmé dans un but génocidaire. Le 7 octobre, au contraire, fut une extermination méthodique, programmée dans ses moindres détails. La preuve la plus glaçante en est que des familles gazaouies, accueillies pendant des années dans les kibboutz, ont fourni aux terroristes des listes précises — noms, âges, structures familiales — pour planifier « qui on allait violer, qui on allait enlever, qui on allait décapiter ».

C'est là qu'intervient le concept de « rupture anthropologique ». Il ne s'agissait pas seulement de tuer, mais « d'exterminer au sens de mettre hors monde » (exterminare), d'attaquer l'humanité même de l'homme dans ses fondements :

  • Il fallait exterminer l'affiliation : par les viols systématiques et la mutilation des organes génitaux des femmes, visant la maternité et la transmission.
  • Il fallait tuer une origine : par la décapitation de bébés et d'enfants, visant l'idée même de commencement et d'antériorité.
  • Il fallait enlever de l'histoire : par l'incinération des corps, visant à effacer toute trace de l'existence, dans un geste qui lie intrinsèquement la méthode du massacre à sa finalité négationniste.

Cette volonté d'anéantissement total constitue une attaque contre l'idée même d'humanité. Comprendre cette rupture est la première clé, car elle explique pourquoi les réactions qui ont suivi ne relèvent pas de la simple opinion politique, mais de mécanismes de défense psychique face à un insoutenable.

 

2. L'Antisionisme : La Haine du Juif avec une Bonne Conscience

Comment une telle rupture a-t-elle pu être si rapidement niée, justifiée ou relativisée ? L'un des véhicules idéologiques les plus puissants de ce déni est l'antisionisme contemporain. Pour le philosophe Vladimir Jankélévitch, il s'agit d'une « trouvaille miraculeuse, l'aubaine providentielle » qui permet de haïr les Juifs en toute légitimité, sous le masque de l'antiracisme ou de l'anticolonialisme.

Wolkowicz identifie ce phénomène comme un « parasémitisme » : une obsession pour le Juif et pour Israël, qui donne l'impression « totalement surréaliste » que le monde entier tourne autour de cette question. Il souligne l'absurdité de cette focalisation avec une question rhétorique : « Qui s'occuperait des Palestiniens s'il n'y avait pas les Juifs là-bas ? Personne ». Cette fixation démesurée révèle que l'objet de la haine n'est pas une politique, mais l'existence même d'un État juif souverain.

« L’antisémitisme, selon une rhétorique perverse, se décline sans honte ni pudeur sous le vocable d’antisionisme. »

 

3. Le Transfert de Culpabilité : "On nous en Veut du Mal qu'on nous a Fait"

L'antisionisme puise sa force dans un mécanisme psychique européen profond, résumé par l'aphorisme prophétique d'un psychiatre israélien des années 1960 : « On va nous en vouloir du mal qu'on nous a fait ». Wolkowicz souligne la vitesse effrayante à laquelle ce mécanisme s'est activé. Après la Shoah, il a fallu 22 ans (1945-1967) pour que l'image du Juif passe de celle de la victime tolérée — le rescapé en pyjama rayé — à celle de l'agresseur insupportable — le soldat victorieux. Après le 7 octobre, « ça a duré 2 jours ».

L'Europe, écrasée par la honte de la Shoah, ne supporte pas le Juif souverain. Elle lui avait concédé un « foyer-refuge, de parenthèse dans l’Histoire », mais pas le droit de redevenir un acteur de son destin. Cette « culpabilité perverse » la conduit à « exorciser sa honte dans la haine » d'Israël. En projetant la figure du bourreau sur l'État juif, elle cherche à se fabriquer une innocence. Elle ne pardonne pas aux Juifs le mal qu'elle leur a fait et les enferme dans le rôle sacrificiel de l'« Holocauste », leur assignant un « péché originel » qui les rend coupables par définition. Dès qu'ils sortent de ce statut de victime, ils sont condamnés.

 

4. Le Négationnisme : Finalité du Crime, et non sa Conséquence

Ce besoin d'inverser la culpabilité s'enracine dans une logique encore plus sombre, qui renverse la perception habituelle du négationnisme. Celui-ci n'est pas une simple stratégie pour effacer les preuves d'un crime après coup ; il en est la motivation fondamentale, la finalité même.

Comme l'a illustré le camp nazi de Belzec, conçu d'emblée pour effacer toute trace, l'objectif n'est pas seulement d'exterminer et de nier ensuite ; l'effacement est le but. Ce projet est lié à ce que la psychanalyse nomme le « fantasme d’auto-engendrement » : la volonté délirante qu'il n'existe rien avant soi, rien à côté de soi, aucune antériorité. En effaçant le peuple juif de l'histoire, le criminel fantasme d'incarner une origine absolue et éternelle.

« Le camp de Belzec a illustré d’emblée la volonté nazie d’effacer les traces [...]. Le négationnisme n’était pas seulement une conséquence du crime, mais en constituait fondamentalement la finalité. Il ne concernait pas seulement la réalité de l’extermination [...] mais était au fondement-même du délire des origines et de filiation des nazis. »

 

5. La "Théologie de la Substitution" : Quand l'Extrême Gauche Hérite de l'Église

Mais d'où vient l'antisémitisme virulent d'une certaine extrême gauche, qui se pare pourtant des vertus de l'universalisme ? Wolkowicz avance qu'il hérite, souvent à son insu, d'une très ancienne structure théologique : l'idéologie chrétienne paulinienne de la « substitution ». Cette théologie postulait que les Chrétiens, en tant que « purs juifs », se substituaient au peuple juif originel, devenu « impur » et déchu.

Ce schéma est aujourd'hui rejoué « par délégation ». Les Européens, et notamment ce que Freud nommait « les débaptisés » — ceux qui ont dénié leur héritage chrétien tout en en incorporant les structures inconscientes —, attribuent à un autre peuple, les Palestiniens, le rôle de peuple originaire et de nouvelle figure du martyr. L'image du « jeune et innocent » Palestinien, constamment mise en scène, actualise le mythe du martyr chrétien face à un Israël diabolisé. Cette inversion symbolique permet de condamner Israël tout en se donnant une image vertueuse, rejouant un schéma vieux de deux millénaires sous de nouveaux habits politiques.

Conclusion : Les Masques sont Tombés

Le 7 octobre n'a pas créé un nouvel antisémitisme. Il a agi comme un révélateur, faisant remonter à la surface des « refoulés » historiques et psychologiques. Il a libéré des schémas de pensée qui n'étaient que contenus, et non disparus. Les masques de la bienséance sont tombés, laissant apparaître des haines qui n'attendaient qu'un prétexte pour s'exprimer à l'air libre.

L'analyse de Michel Gad Wolkowicz nous force à regarder au-delà de l'événementiel pour sonder les structures inconscientes qui meuvent les sociétés. Maintenant que ces mécanismes sont exposés, saurons-nous les reconnaître pour ce qu'ils sont et trouver la lucidité pour les combattre ?

Un witz pour conclure : À Moscou, sous l'URSS, par -10 degrés, une file d’attente d’un kilomètre se forme en pleine nuit à l’annonce d’un arrivage de farine. Vers deux heures du matin, le boulanger sort pour dire qu’il n’y en aura pas pour tout le monde et qu’en conséquence, les Juifs doivent sortir de la queue. Puis, d'heure en heure, sont renvoyés les personnes âgées, ceux qui n'habitent pas Moscou, les intellectuels... À 7h du matin, il ne reste que deux membres du Politburo. Et Vladimir dit à Sacha : « Tu vois, une fois de plus, ce sont les Juifs qui s’en sortent le mieux ! »

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